Pas simple l'arrivée au bout du monde
Commençons ce
message par un peu de géographie : pour passer de Rio Gallegos, dernière ville
Argentine sur la côte Atlantique, à la Terre de feu, province d’Ushuaia, il
faut passer par le Chili. Cela signifie passer quatre frontière au total :
sortie d’Argentine, entrée au Chili puis 180 kilomètres plus loin sortie du
Chili et entrée en Argentine de nouveau.
De plus, la
route du Chili est un chemin de pierre et il faut à un moment prendre un ferry
pour traverser le détroit de Magellan. En gros, c’est un périple mais nous
prendrons notre temps pour le faire tranquillement.
Nous partons de
Rio Gallegos en fin d’après midi, prévoyant de passer les deux premières
frontières et de dormir juste avant ou juste après le ferry en fonction de
l’heure et de repartir le lendemain matin tranquillement sur le chemin de
pierre et finir le chemin jusqu’à Ushuaia.
Arrivés à la
première frontière Argentine, le douanier regarde mon passeport et ma carte
grise et me dit que si je ne suis pas résident argentin, je n’ai pas le droit
de sortir du pays avec un véhicule immatriculé en Argentine et que donc il ne
nous laissera pas passer. Pardon ?? Nous lui expliquons que nous sommes déjà
passés au Chili (notre tentative infructueuse au niveau de Penitentes mais lors
de laquelle ce problème n’avait à aucun moment été mentionné). Il nous répond
que ce n’est pas normal. Nous le supplions de nous laisser passer. Rien à
faire. Il en profite au passage pour nous menacer en nous disant qu’il sera
assez gentil de fermer les yeux si nous partons dans l’instant et faire comme
si nous n’étions pas venus à la frontière car c’est un motif en soi pour
immobiliser le véhicule. Bien entendu nous ne lâchons pas l’affaire et heureusement
son voisin est moins con. Celui-ci nous explique qu’en effet c’est bien la loi
mais que si un Argentin conduit notre voiture pour passer les quatre frontières
c’est bon. Caris n’ayant pas le permis, je ne peux pas lui laisser la combi. L’autre
abruti nous dit que nous pouvons revenir demain matin avec un conducteur
argentin et que devant un notaire public nous pourrons faire une dérogation.
Sans intention de perdre tout ce temps, Caris qui a vu des camions transportant
des voitures à l’extérieur demande si ça serait légal de mettre notre combi sur
l’un d’eux. Oui. Nous courons parler aux chauffeurs. Aucun n’a de place. Au
passage, nous voyons garée la voiture des français que nous avions connus à
Puerto Madryn. Apparemment ils ont eu le même problème que nous et n’ayant pas
trouvé de solution ont dû continuer en stop ou en bus. Cherchant toutes les
solutions possibles, nous commençons à demander à des personnes si elles
accepteraient de passer les frontières pour nous. Les premiers refusent,
jusqu’à ce que nous parlions avec un groupe de syndicalistes camionneurs. Par
miracle, l’un d’entre eux accepte. Nous retournons voir notre vainqueur.
Heureusement son chef est là et accepte de faire la dérogation sans notaire. Et
hop, nous voila partis avec notre nouvel ami en combi.
Problème : nous
avions prévu de dormir à un moment et à trois dans la combi, ça se complique.
Je prie pour que nous n’ayons pas le dernier ferry. Manque de bol, nous
l’avons… Pendant que tous ses potes dans leurs 4x4 tracent, nous nous retrouvons
en pleine nuit sur le chemin de pierre. Les heures passent. Nous n’avançons
pas. Le chemin est dans un état terrible. Au bout de 60 kilomètres de piste,
vers 3h du matin, sentant que mes yeux se ferment tous seuls, j’annonce une
pause sommeil. Je me couche pour me reposer pendant quelques heures. Par
solidarité Caris dort sur le fauteuil conducteur pendant que notre pauvre
compagnon essaye de dormir tant bien que mal sur le fauteuil passager. A 5h je
décide de reprendre la route. Malgré la fatigue et l’état du chemin qui ne
s’arrange pas, j’essaye d’avancer afin d’abréger le cauchemar du camionneur. Il
ne se plaint à aucun moment, mais ne dit pas non plus qu’il n’y a aucun
problème et qu’il comprend. Je sens la pression. Nous arrivons tant bien que
mal à la sortie du Chili. Aucun problème avec les papiers. Douane Argentine,
envie de faire du zèle et voilà qu’ils nous retournent la combi pour la
vérifier. Et que je te retourne la boite à chaussures, et que je remue tous les
vêtements et que je sors tout de la boite à gants… Ils nous retiennent pendant quasiment une
heure. Finalement vers 9h du matin, à Rio Grande, nous déposons ce malheureux
camionneur qui aurait pu être chez lui six heures plus tôt après un bref voyage
dans un 4x4 grand luxe et qui a la place s’est congelé toute la nuit, a écouté
les portes de la combi claquées et a passé l’une des pires nuits de sa vie.
Nous ne savons comment le remercier, mais sa B.A de 2009 c’est bon, il l’a
faite.
Nous nous garons
au bord de la plage et nous effondrons avec Caris plusieurs heures avant de
continuer notre route vers Ushuaia.
Nous y voila, la
fin du monde, Ushuaia. Cela nous a pris 8000 kilomètres, trois mois et demi,
énormément de belles rencontres, des paysages exceptionnels, des litres et des
litres d’essence pour nourrir la combi, une dernière étape très difficile mais
nous y sommes !!!